Saint-Michel
Histoire
L’abbaye de Saint-Mihiel a été fondée, au cours du 8e siècle, par un seigneur austrasien, dans les bois des coteaux de la rive droite de la Meuse. Elle est descendue à son emplacement actuel, au bord de la Meuse, au centre de la ville de Saint-Mihiel, quand elle fut agrégée à l’ordre bénédictin au début du 9e siècle.
Au cours des siècles, son influence ne cessa de grandir. Au début du 17e siècle, elle fut une des premières abbayes bénédictines des duchés de Bar et Lorraine à se réformer et à rejoindre la congrégation de Saint-Vanne. Sa position géographique centrale au cœur de celle-ci explique l’importance des bâtiments reconstruits, après les ravages de la guerre de Trente Ans (1635-1661) dans cette région, car s’y tinrent souvent les chapitres généraux annuels de la congrégation, qui comptait une cinquantaine de maisons en Champagne, Lorraine et Franche-Comté.
La Révolution supprima l’abbaye et dispersa ses 24 religieux, mais les bâtiments furent conservés pour loger différents services publics, dont la cour d’assises du département de la Meuse, qui s’y tint jusqu’en 1958. Les guerres du 19e et du 20e siècle épargnèrent l’abbaye.
Architecture
L’abbaye de Saint-Mihiel a presqu’entièrement échappé aux outrages du temps : nous pouvons l’admirer telle qu’elle était en 1790 et en visiter une partie.
La tour-porche à plusieurs niveaux de l’église est romane. La nef gothique à cinq travées, remaniée au début du 18e siècle, est impressionnante. Derrière le grand autel, le chœur des moines a gardé ses 80 stalles.
Au sud de l’église, le cloître et les autres bâtiments, reconstruits ou réaménagés au 18e siècle, ont été et sont encore occupés, depuis la Révolution, par divers services publics et culturels. Seul le premier étage de l’aile ouest-est la plus au sud n’a pas changé d’affectation et abrite toujours la bibliothèque. Une seule modification importante est à déplorer : le percement de la grande aile nord-sud pour laisser passer la route vers Nancy. Les jardins sont devenus propriétés privées, sauf ceux devenus une place qui permet d’admirer la grande façade orientale de l’abbaye et le chœur de l’église.
La bibliothèque de l’abbaye
L’abbaye Saint-Michel de Saint-Mihiel est l’une des très rares en France dont la bibliothèque a en grande partie échappé aux incertitudes d’une longue histoire. On peut toujours en admirer les deux salles aménagées dans les années 1770 : la première (8 m sur 8, haute de 5 m) est éclairée par 3 fenêtres ; son magnifique plafond sculpté représente les quatre éléments, quatre continents et les quatre saisons. La seconde (50 m de long, 8 de large, 5 de haut), éclairée par 5 fenêtres au sud, 8 au nord et une à l’ouest, présente, tout le long de ses murs, sur des rayonnages en chêne blond, quelques 15 000 volumes dont 5 000 au moins provenant des bénédictins d’avant 1790.
La culture monastique
Les bâtiments de l’abbaye bénédictine de Saint-Mihiel renferment toujours des éléments permettant de se faire une idée de sa riche vie intellectuelle et artistique pendant neuf siècles.
Dans l’église abbatiale se trouve le grand orgue installé en 1679-1681 au revers de la tour-porche d’entrée, dont le buffet est remarquable par sa sculpture ornementale des 17e et 18e siècles. L’instrument lui-même fut transformé en 1764, puis refait à neuf en 1790 et remanié au 19e siècle. Il fut dépouillé de ses tuyaux par les Allemands entre 1914 et 1918. Restauré en 1931, il est de nouveau, au 21e siècle, l’objet de travaux importants.
Dans la bibliothèque sont conservés 70 manuscrits et 9 000 livres imprimés. Le plus ancien manuscrit date des 8e-9e siècles, le plus impressionnant est le Graduel (livre liturgique enluminé) de l’abbaye (15e-16e siècle) et l’un des plus passionnants est le récit, calligraphié à l’abbaye, d’un pèlerinage à Jérusalem, en 1531, par un religieux de l’abbaye, qui l’a orné d’aquarelles de sa main. Parmi les livres imprimés, certains sont des exemplaires uniques ou portent de très belles reliures. La moitié de ces ouvrages est en français et traite de sujets non religieux, car, en 1790, lorsque les communautés religieuses furent supprimées et leurs biens mis à la disposition de la Nation, les 8 500 livres des bénédictins de Saint-Mihiel ne furent pas déménagés pour contribuer à former des bibliothèques publiques. C’est à Saint-Mihiel qu’arrivèrent les livres saisis dans les couvents et chez les émigrés d’une partie du nord-est du département de la Meuse et cette bibliothèque enrichie fut ouverte au public. Survint 1914 : la ville de Saint-Mihiel fut occupée par les Allemands pendant quatre ans et un bombardement français causa des dégâts. Les Allemands emmenèrent alors tous les livres à Metz, puis les plus précieux en Allemagne. Tous n’en revinrent pas, mais le plus ancien est rentré en 2007.
Textes rédigés par Noëlle Cazin