Notre-Dame de Lisle
Histoire
Vers 1143, Ulrich de Lisle, seigneur rural, et son épouse Mathilde donnent à cens, contre une redevance fixe, les terres qu’ils possèdent aux Anglecourt ainsi que des terres aux limites de Seraucourt pour fonder un monastère. L’abbaye est fondée par Eustache, abbé des chanoines réguliers* du monastère de Montier-en-Argonne, affilié à la congrégation d’Arrouaise (ordre de Saint-Augustin).
À la mort d’Eustache, l’abbaye tombe en relâchement si bien que les chanoines réguliers sont remplacés par des moines cisterciens vers 1151. Le monastère est placé sous la filiation de Morimond, qui la confie aux moines de Saint-Benoît-en-Woëvre. L’abbaye s’installe dans le village actuel de Lisle-en-Barrois. Après son affiliation à Cîteaux, elle reçoit de nombreuses donations et devient très puissante. L’abbaye reçoit la protection des papes et ainsi que celle des comtes de Bar.
Le monastère subsiste pendant plus de six siècles, jusqu’à sa mise à la disposition de la Nation à la Révolution française. Les commissaires nationaux se présentent le 10 mai 1790 pour dresser l’inventaire de ses biens et examiner l’état des bâtiments qui sont vendus en 1791.
Architecture
Au cours de son existence, l’abbaye a subi plusieurs destructions, elle fut ravagée une première fois lors des Guerres de Religion, la veille de Noël 1567. Reconstruite au 17e siècle, l’abbaye reste fragilisée et son église doit subir une réfection au 18e siècle. Après la Révolution, elle est progressivement démantelée. En 1834, seuls les communs, des dépendances et les jardins subsistent. Le monastère a fait l’objet de destructions et d’aménagements. Il ne reste plus aujourd’hui que l’aile des écuries longeant l’ancienne grande cour, un pavillon et un mur de clôture avec sa balustrade. L’un des bâtiments subsistants renferme des salles voûtées en arêtes soutenues par des piliers massifs. À l’ouest, hors les murs de l’abbaye, communs et dépendances sont habités aujourd’hui. Dans l’ancien jardin potager subsistent des statues en pierre, allégories des quatre saisons dans le style du 18e siècle, et un vivier.
Dans l’église Notre-Dame de Bar-le-Duc, trois grands tableaux, attribués à Yard (Les Noces de Cana, Le Christ guérissant les Malades et La Résurrection de Lazare), proviennent de la dispersion des biens de l’abbaye. L’église du village conserve aussi quelques tableaux dont un Saint Bernard cité dans une description du réfectoire des moines.
La balustrade en pierre
L’espace de vie des moines était délimité par des murs de clôture. Au 18e siècle, la cour d’honneur entourée de bâtiments était séparée des jardins par de hauts murs surmontés d’une balustrade en pierre richement décorée. Celle-ci s’étendait de chaque côté des piliers dominés par un ornement en forme de boule et d’une grande porte, elle rejoignait les bâtiments des communs. Ses balustres en poire possèdent un col galbé carré et une panse galbée en quart de rond parée de motifs. Le sommet de la balustrade était orné de paniers garnis de fleurs, fruits et feuilles. Ces vestiges, rares hors de Meuse, témoignent de la richesse de l’abbaye.
La composition d’une abbaye
L’abbaye de Lisle-en-Barrois suit le plan-type du monastère cistercien. Les bâtiments monastiques s’organisent autour d’un cloître situé au centre de l’abbaye. On retrouve au Nord l’église abbatiale mesurant environ 70 mètres. Dans l’aile Est, accolée à l’église, se trouve la sacristie. Les religieux s’y préparaient pour célébrer les messes et les offices, on y conserve également les objets liés au culte. Ensuite viennent la salle du chapitre*, où se réunissaient quotidiennement les moines afin de discuter des affaires de la communauté et lire un passage de la règle de saint Benoît, et le lieu de vie du portier. Le dortoir des moines qui n’est pas représenté sur ce plan se situe à l’étage. Un escalier faisait la jonction entre le dortoir et l’église et permettait aux moines de la rejoindre pour y célébrer les offices. Au Sud du monastère se trouve la cuisine et l’ancien réfectoire, il y existait également à l’époque médiévale une salle destinée aux travaux intérieurs. Enfin, l’aile Ouest composée habituellement par le quartier des convers* est ici remplacée par le quartier des hôtes.
Autour des lieux réguliers se développent d’autres bâtiments. L’accès à l’abbaye se fait à l’ouest, par une grande porte qui précède une grande cour d’honneur entourée par des pavillons, des écuries, un mur de clôture à balustrade et par l’aile des bûcheries, servant à l’entrepôt du bois.
À l’Est, on retrouve une autre porte, située devant une seconde cour bordée par les bâtiments du corps de logis, le quartier des dames, la gruerie*, des écuries, des caves, un poulailler et une bergerie.
L’abbaye est entourée par des fermes, des ateliers, des fabriques et des jardins qui lui permettent de vivre en autarcie. La forêt domaniale de Lisle-en-Barrois correspond à la majeure partie de la forêt abbatiale.
* réguliers : par opposition au clergé séculier, le clergé régulier désigne, au sens large, les clercs appartenant à un institut religieux ; et au sens strict ceux qui font des vœux solennels, vivent en communauté sous une règle, mais se livrent aux activités des clercs en exerçant le ministère sacerdotal et les œuvres de charité.
* salle du chapitre : lieu où se tiennent les assemblées organisées par les religieux [ou les religieuses] d’un monastère.
* convers : religieux, religieuse employé(e) aux travaux domestiques et aux œuvres serviles, ne chantant pas dans le chœur et exclu des ordres sacrés.
* gruerie : lieu où s’exerce la juridiction des Eaux et Forêts.
Textes rédigés par Marion Guiet