Notre-Dame de La Chalade
Histoire
L’abbaye de La Chalade a été fondée, vers 1120, à la demande des seigneurs du lieu, Mathilde et son fils, qui lui donnèrent des terres au cœur de la forêt d’Argonne. L’abbaye fut agrégée rapidement à l’ordre cistercien.
Elle connut une longue période de paix et de prospérité. Ses défrichements contribuèrent au développement de l’activité et du peuplement de la vallée de la Biesme (tuileries, briqueteries, verreries, forges et moulins). La guerre de Cent Ans, puis les guerres de Religion (fin XVIe siècle) et la guerre de Trente Ans (1635-1661) la ruinèrent.
Après la Réforme protestante et la Contre-Réforme catholique, Richelieu ordonna, en 1637, aux religieux de se réformer et ils reprirent une vie plus régulière. À partir de 1661, des travaux de restauration des bâtiments dessinèrent la physionomie actuelle de l’abbaye.
En 1340, il y aurait eu une soixantaine de religieux. Au 18e siècle, il y en avait une vingtaine. En 1790, lors de la saisie des biens du clergé et de la suppression des ordres religieux, ils n’étaient plus que neuf. L’église et les bâtiments résistèrent non sans dommages aux destructions de la Révolution, puis aux guerres de la fin du 19e siècle et du 20e siècle.
Architecture
Construite en pierre – la fameuse gaize d’Argonne friable et gélive – et en brique, La Chalade a un plan en forme de croix latine. Le chœur peu profond est constitué d’une abside à cinq pans et d’une travée droite. Haute de 14,50 m, la nef est incomplète. Longue de 32,20 m, elle n’a que deux travées, alors qu’elle était prévue pour en avoir davantage (entre cinq et sept en tout). Elle est cependant accompagnée de bas-côtés. À l’est du transept s’ouvrent des chapelles latérales qui ne sont plus séparées les unes des autres. Il y a un collatéral à l’ouest du bras nord et non à l’ouest de l’autre bras. Cette dissymétrie s’explique par le fait que le bras nord servait d’église paroissiale et était doté d’un autel particulier, à une époque où le droit canon interdisait aux moines d’assurer le service paroissial. Une porte fut percée dans le bras nord pour que les paroissiens puissent accéder à la partie de l’édifice qui leur était réservée. La façade ouest s’orne d’une rosace provenant de l’abbaye Saint-Vanne de Verdun.
Les monuments funéraires et les vestiges de peintures murales
Plusieurs monuments funéraires retiennent l’attention. Un gisant auquel manque la partie inférieure à partir des genoux, représenté vêtu d’une cotte étroite et les mains jointes, pourrait être celui de Perrin de Vauquois qui vécut dans la seconde moitié du 14e siècle.
Trois dalles funéraires datées du 13e siècle reposent sur le sol de l’édifice. La première est celle d’Oger, seigneur de Dannevoux, la deuxième est celle de Raoul Buri, seigneur de Fontaine-en-Dormois et la troisième, celle d’un chevalier anonyme
Des vestiges à peine visibles de peinture murale ont été retrouvés sur les élévations intérieures orientales de l’église dans le registre supérieur sous la corniche au niveau d’une ouverture (à gauche en entrant). Le décor pourrait se situer entre le 14e siècle et le premier quart du 16e siècle. On devine deux bandes rouges avec une alternance de blasons et de décors végétaux.
L’art cistercien
L’art cistercien a été créé et transmis par l’ordre religieux fondé en 1098 par Robert de Molesme, prédécesseur de saint Bernard, en réaction au laisser-aller des monastères clunisiens vis à vis de la règle de saint Benoît. Cet art a trois fonctions : d’abord louer Dieu par la prière et les chants, rejoindre ensuite son Royaume invisible par la clarté et affirmer sa puissance par une œuvre d’art.
On peut caractériser l’architecture cistercienne initiale par des bâtiments remarquables par la pureté de leurs lignes, l’économie des matériaux et la simplicité du plan d’ensemble selon les prescriptions strictes de saint Bernard en 1135. Les moines bâtissent leur abbaye près d’une rivière utilisée pour l’énergie hydraulique (moulins). L’église est orientée vers l’est et les bâtiments sont élevés autour du cloître carré, centre de l’abbaye : salle capitulaire*, cuisine, réfectoire, chauffoir*, bibliothèque, dortoir, etc.
Les cisterciens ont dépouillé leurs abbayes des sculptures et des peintures qui ornaient les édifices religieux romans pour laisser place à la pierre lisse et nue. Ils ont préféré la ligne droite, les chevets plats. La simplicité de leurs édifices délibérément épurés de toute fioriture, la rigueur d’une architecture faite pour durer, la pureté des lignes et la luminosité doivent être une aide au cheminement intérieur et spirituel des moines.
Les colonnes sont lisses, les chapiteaux simplement ornés de feuilles et les hautes voûtes en pierre sont faites pour que retentissent la parole et les chants liturgiques. Les vitraux blancs ou en grisailles laissent passer le jeu de la lumière dans l’espace, symbolisant la présence de Dieu.
Au milieu du 12e siècle, le roman a atteint sa maturité et les cisterciens impulsent la transition vers le gothique avec la croisée d’ogive pour les voûtes, l’élargissement du chœur et l’importance des vitraux et rosaces.
L’église abbatiale de la Chalade garde encore toutes les caractéristiques de l’art cistercien : simplicité de l’architecture, colonnes lisses et chapiteaux simples, hauteur de la voûte, résonance et intense luminosité par ses vitraux et sa rosace.
* salle capitulaire : salle où se réunit le chapitre de moines ou de chanoines, c’est-à-dire l’assemblée tenue par les religieux d’un ordre ou d’un monastère.
* chauffoir : pièce commune d’un monastère où l’on peut se chauffer.
Textes rédigés par les membres de l’association des Amis de l’église abbatiale de Lachalade