Notre-Dame d’Écurey
Histoire
La première trace d’occupation du site date du 10e siècle et consiste en une habitation (fond de cabane excavée). Le nom « Écurey » viendrait de l’ancien nom du lieu-dit « Escureium », qui sous-entend une présence humaine dès la période gallo-romaine.
Le site est occupé dès le 12e siècle et jusqu’à la Révolution française par des moines cisterciens. Ces moines s’installent à 3 km du village le plus proche et aménagent, façonnent, cultivent les rives boisées du bord de la Saulx pour y installer l’abbaye de Notre-Dame d’Écurey.
Après la Révolution et jusqu’en 1987, une fonderie d’art et d’ornement succède à l’abbaye. Les propriétaires construisent un village de 9 ha quasiment autarcique, fondé sur le paternalisme industriel. Nous y trouvons cinq types de bâtiments : agricoles, industriels, sociaux, religieux, d’habitation.
Aujourd’hui, le site appartient à la Codecom Portes de Meuse, après une réhabilitation de cette ancienne friche industrielle et religieuse, de nombreux acteurs contribuent à la vie et au rayonnement de cet espace : Écurey Pôles d’Avenir, la compagnie Azimuts, Les Jardins d’Écurey, Meuse Traction, L’Artelier, Les Férus d’Écurey, Sur Saulx, etc.
Architecture
Du passé monastique du site, il reste quelques vestiges :
- l’hôtellerie : ce bâtiment a été construit entre 1746 et 1748 pour accueillir les convives de l’abbaye. Aux quatre coins de la façade, d’étonnantes gargouilles évoquent le Moyen Âge. Les armoiries de l’abbaye étaient affichées côté est ; elles ont sans doute été retirées à la Révolution. Côté ouest, une ouverture semble correspondre avec un couloir menant à l’ancienne église ;
- l’hémicycle : il ferme la cour d’entrée et donne accès par son portique à l’ancienne ferme. Il a été construit en 1774 sous l’initiative du dernier abbé d’Écurey Dom Étienne de Moyria. Le mur d’enceinte est surmonté d’une balustrade faite de colonnettes assez délicates, s’alternant de piliers massifs ornés de pommes de pin ;
- le « logis abbatial » : sur la façade, on peut lire 1752, mais son histoire semble plus complexe. En effet, lors de sa réhabilitation et sur le cadastre de 1810, un bâtiment le rejoignait pour former un angle droit sur le pignon Est. Appartenant au carré claustral, il s’agissait sans doute d’un bâtiment destiné aux moines. Au début du 19e siècle, il a sans doute été rhabillé dans un style 18e siècle, très sobre comparable à l’hôtellerie. L’arrière donne sur le colombier du 16e;
- la ferme : ces bâtiments délimitaient la cour de la ferme, appelée la « basse-cour ». La construction s’étale entre le 16e et le 18e siècle. Au centre de la cour, une pente douce mène à un abreuvoir alimenté par le bief.
Le colombier
Le colombier sur pied daté du 16e siècle atteste d’une certaine richesse de l’abbaye. Ce bâtiment d’une surface au sol de 70 m2 comporte deux niveaux et servait à l’élevage des pigeons. Il est construit entièrement en moellons à l’exception d’un collier et d’une bavette en pierre de taille qui fait tout le tour du bâtiment avant les ouvertures. Ceci empêche l’accès aux prédateurs grimpeurs (martres, fouines, etc). Le rez-de-chaussée servait de glacière ou de réserve à nourriture.
La construction de pigeonnier sous l’Ancien Régime était réservée aux seigneurs laïcs et ecclésiastiques. Le colombier est une marque visible de noblesse dans le paysage rural, sa taille est en rapport avec celle du domaine agricole. On calcul environ 2,5 hectares de terres agricoles à proximité immédiate par couple de pigeons, ces derniers devant se nourrir principalement par eux-mêmes, sauf en hiver. À Écurey on dénombre près de 600 couples.
Les armoiries de l’abbaye étaient sculptées au-dessus de l’entrée, mais elles ont été effacées sans doute à la Révolution.
La reconversion de l’abbaye en site industriel
À la Révolution française, l’abbaye est vendue comme bien national à un bourgeois local, Théodore Ferdinand d’ESCLAIBES d’HUST. La plupart des bâtiments dont une église, le cloître, des bâtiments monastiques sont démolis et les pierres sont réemployées pour construire dans les villages des alentours. L’abbaye est transformée en domaine agricole.
En 1830, le site d’Écurey est acheté par les frères Vivaux pour implanter une fonderie. Le minerai de fer est extrait dans des minières des villages voisins et le haut fourneau permet de le transformer en fonte. Les frères Vivaux ont fabriqué des objets usuels (casseroles, tuyaux, poêles) et quelques pièces d’art et d’ornement. Cependant, la halle en pierre construite contre le coteau est impressionnante. Si la halle est ouverte, vous pourrez observer le mur de soutènement qui fait 12 mètres de haut et plusieurs mètres de profondeur. Des barbacanes* de forme triangulaire permettent l’écoulement de l’eau provenant du talus. Le haut fourneau sans doute placé contre le mur de soutènement pouvait ainsi être alimenté par le haut. La Saulx qui traversait le site est entièrement canalisée à la même époque pour produire de l’énergie et éviter les inondations.
En 1875, la fonderie est rachetée par Auguste Salin. Il transforme profondément l’usine. Nous lui devons la construction de l’ensemble des halles en brique. Bien que les dates de construction s’échelonnent sur plusieurs années, Auguste Salin conserve un même style architectural. Le haut fourneau est remplacé par un cubilot*. Auguste Salin, en association avec d’autres maîtres de forge, oriente la fabrication de l’entreprise vers la production de fonte d’art et d’ornement.
Au cours des 110 ans d’existence de la fonderie, l’usage des différents bâtiments a peu évolué. Hormis la destruction d’un bâtiment qui fermait la cour et qui est aujourd’hui transformé en préau, l’ensemble industriel est encore présent, ce qui est exceptionnel. Ainsi Écurey est-il l’un des derniers témoignages encore debout d’une activité industrielle très importante.
* barbacane : ouverture étroite dans un mur de soutènement pour faciliter l’écoulement des eaux.
* cubilot : four à cuve formé d’un cylindre de tôle garni intérieurement d’un revêtement réfractaire et destiné à la seconde fusion de la fonte.
Textes rédigés par Henri Philouze