Sainte-Marie-Madeleine de Rangeval
Histoire
Sans doute inspirée par son voisin, le seigneur de Commercy qui avait favorisé la création de l’abbaye Notre-Dame de Riéval en 1124, Hedwige d’Apremont, comtesse de Montagu, et ses fils, fondent l’abbaye Sainte Marie-Madeleine en faisant appel à l’abbé de Riéval.
Comme à Riéval et pour les mêmes raisons, les archives manquent pour retracer l’histoire de l’abbaye. L’adhésion à la congrégation de l’Antique Rigueur*, en 1626, marque le début d’une renaissance que les destructions engendrées par la Guerre de Trente Ans faillirent bien anéantir définitivement.
La reconstruction des bâtiments claustraux débute en 1670. De l’abbaye antérieure, on ne dispose d’aucune information. Un nouveau cloître est dessiné au nord de la vieille église abbatiale. Les travaux se poursuivent pendant près de 40 ans et s’achèvent par la reconstruction de l’église abbatiale sur des plans de l’architecte prémontré Nicolas Pierson. La première pierre est posée le 29 juillet 1729. Pierson donne également les plans de l’hôtel abbatial.
En 1791, l’abbaye est vendue comme bien national à un notable commercien, François de Lisle. À sa mort en 1813, l’ensemble est partagé entre ses trois enfants. Après que l’on a enlevé le plomb qui couvrait sa toiture, l’église abbatiale est finalement rasée tandis que l’aile ouest est démontée et ses matériaux vendus.
Architecture
De l’abbaye de Rangeval subsistent aujourd’hui deux ailes des bâtiments claustraux ainsi que l’hôtel abbatial.
Respectant l’organisation traditionnelle de ces abbayes, l’aile est abrite la sacristie, la salle capitulaire*, la salle à manger d’hiver et la cuisine qui s’ouvrent toutes sur le cloître aujourd’hui muré. À l’étage, un couloir central dessert les cellules des religieux. Au bout de ce couloir, un escalier permet de descendre dans le chœur de l’église pour les offices de nuit. Un second, au milieu, descend vers le cloître. Cette aile n’est pas accessible à la visite.
Au bout de l’aile nord, un passage, aujourd’hui muré, relie la cuisine au grand réfectoire. Les religieux y accédaient depuis le cloître en passant devant le grand escalier d’honneur. Dans une niche, le lavabo de pierre a été conservé.
Ce grand escalier monumental permettait aux hôtes de la maison de rejoindre un grand couloir au 1er étage s’ouvrant sur le cloître et desservant les chambres, en fait de véritables petits appartements constitués d’une antichambre et d’une chambre. Toutes ces maisons devaient l’hospitalité !
Le grand escalier
Un vestibule occupe le centre des deux ailes subsistantes de Rangeval. On peut penser qu’un troisième escalier occupait le centre de l’aile ouest aujourd’hui disparue. Un quatrième, l’escalier des matines, permettait aux chanoines de rejoindre le chœur de l’église abbatiale depuis les cellules de l’étage de l’aile est.
Au milieu de l’aile nord, le vestibule ouvrant d’un côté sur le cloître et de l’autre sur les jardins permet également d’accéder au grand réfectoire. Dans ce vestibule, un grand escalier de pierre à balustres rampants et volées droites permet de rejoindre la galerie du premier étage qui dessert les appartements des hôtes. Des colonnes doriques au rez-de-chaussée, ioniques à l’étage, lui confèrent un caractère très monumental. L’ensemble est couvert d’une fausse-voûte en bois et plâtre.
L’accueil chez les Prémontrés, l’exemple de Rangeval
« Il n’y a pas de monastère complet sans hostellerie » écrivait dom Paul Delatte, abbé de Solesmes, en 1913 dans son Commentaire sur la règle de saint Benoît. Ce qui est vrai, aujourd’hui encore chez les bénédictins, l’est également chez les prémontrés, l’accueil et l’hospitalité étant inscrits dans les traditions de l’ordre.
À Rangeval, tout a été fait pour que les hôtes ne perturbent pas la vie régulière* des chanoines. C’est une des raisons qui ont poussé les prémontrés à sortir les espaces réservés à l’abbé à l’extérieur de la maison alors même que cet abbé était régulier, et ce pour que ses nombreux visiteurs ne troublent pas la quiétude de la maison.
Ici, les visiteurs – laïcs ou religieux – étaient accueillis à la porterie de la maison. L’entrée jouxtait l’entrée de l’église abbatiale. Les hôtes étaient reçus par un religieux au parloir. L’aile ouest, abritant la porterie et le parloir ayant été détruite, il est impossible de dire comment ces espaces étaient agencés.
Les hôtes pouvaient séjourner quelques jours à l’abbaye qui dispose de chambres pour eux. Le mot appartement, avec antichambre et chambre, convient mieux. Dans l’aile nord, ouvrant sur le cloître, deux de ces appartements sont destinés aux hôtes de marque. Une tradition locale désigne l’un d’eux comme étant l’appartement de l’évêque, comprendre ici l’évêque de Toul. Au centre de cette aile, le grand escalier d’honneur conduisait à l’étage où d’autres appartements avaient été créés.
* Antique Rigueur : réforme instituée dans la suite du concile de Trente dans l’ordre prémontré par Servais de Lairuelz. Les principes de base de la vie monacale sont réintroduits : jeûne, abstinence, mise en commun des biens, etc.
* salle du chapitre : lieu où se tiennent les assemblées organisées par les religieux [ou les religieuses] d’un monastère.
* régulier : par opposition au clergé séculier, le clergé régulier désigne, au sens large, les clercs appartenant à un institut religieux ; et au sens strict ceux qui font des vœux solennels, vivent en communauté sous une règle, mais se livrent aux activités des clercs en exerçant le ministère sacerdotal et les œuvres de charité.
Textes rédigés par Pierre Briot
Pour davantage de précisions historiques sur le lieu, s’en référer aux publications scientifiques de Monsieur Bernard Génot, propriétaire de l’aile orientale, qui sont accessibles aux Archives Départementales de la Meuse.