Commercy, Notre-Dame-du-Breuil
Histoire
Un monastère de femmes est cité à Commercy dès le 10e siècle. À la fin du 11e siècle, le seigneur de Commercy offre cette maison à l’abbé de Molesme (Yonne) qui envoie des moines bénédictins y établir un prieuré. Les archives manquent pour retracer l’histoire de Breuil.
Situé à l’extérieur des remparts de Commercy, le prieuré a beaucoup souffert des sièges que la ville eut à subir, notamment en 1553 et 1653. En adhérant à la congrégation Saint-Vanne et Saint-Hydulphe, en 1621, il échappe à la suppression. Scolasticat* de la congrégation pour la province de Lorraine, il connaît un nouvel essor à partir de 1662 après l’installation du cardinal de Retz à Commercy. Les bénédictins servent de secrétaires au cardinal pour la rédaction de ses Mémoires.
Il faut attendre 1712 et des finances assainies pour que la reconstruction des bâtiments claustraux soit autorisée. Les plans furent donnés par un architecte de l’ordre, dom Léopold Durand qui travaillait également comme architecte d’exécution au château de Commercy pour le prince de Vaudémont.
Fermé en 1790, le prieuré fut acheté par le Conseil Général pour y loger la sous-préfecture et la brigade de gendarmerie. Après leur départ, l’École Normale s’installe à son tour dans les locaux en 1853. Elle y reste jusqu’en 1963, date de son transfert à Bar-le-Duc.
Architecture
On ignore tout des bâtiments qui ont précédé le prieuré de dom Durand. Un sondage réalisé au pied d’une des piles du cloître montre que le sol a été rehaussé de près de 80 cm. Seule l’église prieurale avait été conservée, sans doute pour des raisons budgétaires. Menaçant ruine, elle est abattue en 1810.
Pour des raisons inconnues, les bâtiments claustraux ont été construits au nord de l’église et non au sud comme le voulait la tradition. À ce détail près, l’organisation suit la coutume. S’ouvraient sur le cloître la sacristie puis l’escalier menant au dortoir, la salle capitulaire*, le chauffoir, la cuisine, le réfectoire, l’escalier des hôtes, la procure*, une salle d’étude et la bibliothèque. À l’étage se trouvaient les cellules des religieux et les chambres des hôtes.
À l’ouest, autour d’une grande cour, s’organisaient les communs du prieuré reconstruits au 18e siècle. Des éléments (pilastres, arcs en anse de panier et bouche de fontaine) provenant du pavillon royal dans le parc du château, démoli en 1766, ont été intégrés aux nouvelles façades.
La terrasse de Breuil
Sur la façade nord du prieuré Notre-Dame-du-Breuil, le vestibule du grand escalier d’honneur permet d’accéder à une terrasse qui domine les jardins. Cette terrasse a deux fonctions. Elle s’appuie en les dissimulant sur les murs de soutènement des bâtiments conventuels construits sur le bord d’un coteau rocheux. Selon une étude récente, la construction de la terrasse est postérieure à celle des bâtiments. Des sondages ont montré que le dallage de la terrasse est posé sur un remblai comblant le vide entre ce coteau rocheux et les murs de soutènement.
À l’image de la terrasse du château de Commercy, la seconde fonction de cette terrasse est d’offrir aux hôtes du prieuré et aux religieux une vue et un accès aux jardins qui courent jusqu’à l’allée des Tilleuls. Au pied de la terrasse, des bassins réservoirs servaient de viviers pour les poissons apportés des étangs de la Woëvre ou pêchés dans la Meuse.
L’enseignement au prieuré
Si le prieuré Notre-Dame de Breuil n’apparait pas dans la liste des établissements de la congrégation Saint-Vanne et Saint-Hydulphe qui ont, à un moment ou à un autre, accueilli des novices, dès son adhésion à la congrégation, on trouve dans ses effectifs, des religieux chargés d’enseignement. Une tradition locale affirme que dom Calmet, né à 15 km de là, et dont les parents se sont ensuite installés à Vignot, compta parmi ses élèves alors qu’il n’avait pas encore rejoint l’ordre.
Au 18e siècle, grâce à ses professeurs, le prieuré sert de collège pour les jeunes garçons de Commercy, ce qui occasionne régulièrement des conflits avec les chanoines de Saint-Nicolas qui étaient chargés de l’enseignement primaire avant que la ville ne reprenne cette compétence. Le nombre d’élèves accueillis augmentant, ce qui n’allait pas sans perturber la vie monastique, une salle de classe fut aménagée à l’entrée du prieuré face au portail de l’église. Toujours lisible, l’inscription collegium 1753, rappelle cette création. Les religieux enseignants se partageaient entre ce collège et leurs confrères.
En 1760, devant la commission des Réguliers, chargée de vérifier si la suppression du prieuré ne pouvait être envisagée, les bénédictins produisirent des lettres de l’hôtel de ville de Commercy insistant sur le rôle essentiel du prieuré et de ses religieux dans l’éducation des jeunes Commerciens, les religieuses ursulines ayant pris en charge l’instruction des filles.
En 1790, à la suppression du prieuré, contraints de quitter les ordres, les religieux enseignants, prieur en tête, poursuivirent leur mission éducative, bénévolement avant que la mairie ne prenne leurs salaires à sa charge. Ils formèrent la première équipe pédagogique du nouveau collège de Commercy.
* scolasticat : institut religieux où les futurs prêtres font leurs études.
* salle capitulaire : salle où se réunit le chapitre de moines ou de chanoines, c’est-à-dire l’assemblée tenue par les religieux d’un ordre ou d’un monastère.
* procure : bureau, logement du procureur, le religieux chargé des intérêts de tout l’ordre.
Textes rédigés par Pierre Briot